Avignon Off 2018

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Petit florilège parmi les 16 pièces vues en 5 jours

Tout s’ arrange par « les trompettes de Lyon »

Une mise en scène cocasse de françois Rollin :Tout s’arrange ! », c’est évidemment un clin d’œil à la virtuosité déployée par les cinq as de la trompette pour nous faire redécouvrir les airs incontournables de la musique classique, métamorphosés par des arrangements anachroniques et décalés. Chaque adaptation suscite une nouvelle espièglerie cocasse et réjouissante sur ces « tubes » de Dvorak, Bach, Strauss, Schubert, Chopin, Vivaldi, Mozart, Berlioz, Bizet…

Tout s’arrange ! ou comment réviser ses classiques au cours d’un voyage musical drôlement bien arrangé.

Une équipe dynamique ….

Never More de et avec Marine Sobel

Un exercice sur le fil du rasoir assez réussi : l’histoire d’une renaissance d’une femme victime d’un pervers narcissique ..

Elle est jeune, insouciante et plonge avec avidité dans les méandres des réseaux sociaux, des sites de rencontre, de ces lieux où il faut avoir une belle vigilance pour en sortir indemne. C’est si simple, on clique et hop… c’est la curée, ils sont tous derrière leurs écrans et leurs claviers à proposer le meilleur, le rêve à défaut de réalité. Mais elle n’en a cure et plonge et replonge encore jusqu’au jour où c’est la chute, brutale, dure, cruelle… où elle va si loin qu’elle va avoir beaucoup de mal à revenir, et elle va sombrer s’étouffer reprendre souffle et peu à peu revivre normalement… mais il y aura des traces, on n’efface rien dans la vie.

Marine Sobel a écrit le texte un peu autobiographique, et l’interprète avec une fougue peu coutumière. Elle a une écriture vive, un ton tonique. Elle a demandé à Gian Carlo Ciarapica de faire la mise en scène. Il est coutumier de ces portraits de femme fortes ayant déjà fait de nombreuses mises en scène sur elles.Il a choisi une scénographie toute blanche référence surement au milieu médical, l’hôpital, l’hôpital psychiatrique comme cocon salvateur, espace préservé pour se recréer.La mise en scène est dynamique, syncopée, saccadée… on a parfois l’impression de manquer d’air, tout va très vite, tout nous absorbe. Très belle image d’introduction dans cet aquarium d’où s’extirpe l’héroïne. Déjà on sent la violence du propos, la mise en abîme, la dureté de l’échange.Deux univers sur la scène, le chez soi réduit à un banc/lit où règne l’ordinateur et l’hôpital psychiatrique symbolisé par un micro suspendu. Entre les deux un écran où se mêlent souvenirs et phantasmes. Un beau voyage au coeur de l’âme humaine …

Le journal d’un fou de Nicolas Gogol par la compagnie les perspectives

Présentée dans la traduction de Louis Vardiot datant de 1845, cette pièce mérite qu’on lui accorde une écoute attentive

Un fonctionnaire occupant un poste sans responsabilités dans un ministère russe (Antoine Robinet) conte dans son journal ses aventures. Amoureux de la fille de son directeur, il espionne la petite chienne de cette dernière, Medji, dont il comprend, semble-t-il, la langue… Les preuves de folie se multiplient et il finit par croire être le Roi d’Espagne, si bien que lorsqu’il est traîné dans un hôpital psychiatrique, il pense être arrivé en terre espagnole…

Antoine Robinet incarne au sens fort du mot cette âme égarée, malade, qui suscite sympathie et compassion. La performance de l’acteur est incontestable. Il réussit un tour de force assez rare au théâtre, celui d’emporter dès les premières secondes le spectateur avec lui et lui fait oublier instantanément le cadre dans lequel il se trouve, le fauteuil, la scène, le mirage, pour vivre avec ce petit fonctionnaire émouvant sa descente irrémédiable vers les affres de la folie.

Dans une émanation lumineuse, dans des fripes trouées en guise de costume, le personnage erre sur la scène, s’allonge, se recroqueville, à l’image de son cerveau aliéné. Une couche sommaire sert de décor principal, des liasses de papier vieilli jonchent le sol pour une mise en scène est sobre et épurée.

Don Quichotte (de l’ âme anche) d’après Cervantès – Par les Essoufflés et Eric De Staercke

Don Quichotte est un mélange d’héroïsme et de maladresse. Sa folie, sa foi, ses fantasmes nous attirent comme les moustiques à la lampe…
Avec le héros romanesque de Cervantès, la compagnie des Essoufflés, et leurs quatre clarinettes magiques font venir le rire et la poésie : une mise en abîme du mythe qui lui redonne une certaine modernité sans altèrer son message …

Homme de l’extravagance, pèlerin vertueux, chevalier –comme disait Brel- à la triste figure, fou furieux, pourfendeur du mal, ami fidèle, défenseur des grandes causes autant que des causes perdues, de la  veuve et de l’orphelin,… Don Quichotte est tout cela ; et tant d’autres choses…
Mais son chemin, pavé de bonnes intentions, est également celui d’un homme qui se prend les pieds dans le tapis. Car Quichotte est également un vieillard, que les rhumatismes guettent, et qui devrait peut-être arrêter les croisades.

Le dernier homme de Julien Gelas avec Paul Camus

Création 2018 cette pièce nous interroge sur notre vision du monde en crise et nos capacités de résilience …

21 novembre 2084, côte ouest des Etats-Unis… Il vient d’inventer une machine capable de connecter la matière et la pensée. Une invention de celles qui transforment le cours de l’humanité.Mais sa vie bascule lorsque le Pouvoir tente de la récupérer…Sa femme est enlevée, Il est séquestré… et frappé d’une paradoxale malédiction : le voilà désespérément immortel, dans un monde en proie à un conflit planétaire qui viendra à bout de l’humanité entière…Le dernier homme sur terre nous livre son destin incroyable, s’accrochant à l’espoir d’être ainsi délivré de ses chaînes et de rejoindre paisiblement ses semblables…

Une pièce d’anticipation sous-tendue par une question vertigineuse : que se passerait-il si nous accédions à l’immortalité dont nous rêvons tant ?Un texte au goût d’apocalypse, qui nous renvoie avec énergie à notre réalité présente, avec tous ses dangers et ses espérances.

La Potion de Réincarnation de Chia Yin Cheng spectacle contemporain de marionnettes taïwanaises
En abordant l’intrigue d’un point de vue féminin, La potion de réincarnation renouvelle radicalement l’interprétation classique des rôles dans le théâtre de marionnettes à gaine et elle les revêt d’une signification inédite. La pièce revisite en effet l’histoire édifiante de trois héroïnes traditionnelles : celle de WANG Bao-Chuan, aveuglée par sa passion pour HSUEH Ping-Gui qu’elle attend pendant 18 ans dans un état de semi-hébétude ; celle de BAI Su-Zhen, alias le Serpent Blanc, dont la nature véritable fait obstacle à ses efforts de porter secours à son époux HSU-Hsian ; celle de PAN Jin-Lian qui fait fi des convenances et de la morale, prend un amant et empoisonne son époux avant de finir elle-même assassinée, et qui n’a en fait cherché qu’à être pleinement elle-même. Les larmes que répandent ces trois femmes deviennent les ingrédients symboliques d’une potion d’oubli et de renaissance. Elles révèlent le déchirement intérieur des trois héroïnes et leur insatisfaction face à leur destin. Les monologues intérieurs de WANG Bao-Chuan, BAI Su-Zhen et P Jin-Lian, auxquels se surajoute la façon dont le marionnettiste exprime sa propre intériorité, sont ici déconstruits et réassemblés en un entrelacement qui tisse une histoire où il est question d’oubli et de renaissance, le tout dans un mélange de réalité et de fiction. La marionnette, animée par la main du marionnettiste, change de costume pour interpréter un nouveau personnage. Mais cela ne se produit pas sans que le marionnettiste n’y mêle une part de lui-même, de sa sensibilité si bien que se reconfigure en profondeur le rapport entre rôle joué et vie réelle, entre fiction et réalité.
Tout en respectant l’architecture des spectacles traditionnels, La potion de réincarnation de la Jin Kwei Lo Puppetry Company bouscule la vision que le grand public a du théâtre de marionnettes en donnant à cet art traditionnel une forme résolument contemporaine.

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