Lumières sur Isabelle Huppert et Cie..

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Retour sur le 15éme Festival Lumières ou nous avons interrogé des éditeurs sur les restaurations en cours et revus plein de chef d’ oeuvres

Isabelle Huppert : Prix Lumière 2024

//Isabelle Huppert est l’une des actrices françaises les plus célèbres au monde. Sa carrière embrasse une part immense de l’histoire du cinéma contemporain. Elle a collaboré avec des auteurs du monde entier : les plus grands cinéastes français comme Claude Chabrol, qui la dirige à sept reprises, Jean-Luc Godard, Claire Denis, Bertrand Tavernier, Diane Kurys, Maurice Pialat, mais aussi des grands noms du cinéma européen comme Joseph Losey, Marco Ferreri ou Michael Haneke. Elle a reçu à deux reprises le Prix d’interprétation féminine à Cannes pour ses rôles dans Violette Nozière et La Pianiste. Elle tient le haut de l’affiche du thriller Elle réalisé par Paul Verhoeven, qui lui vaudra le César de la meilleure actrice (21 ans après celui reçu pour La Cérémonie de Claude Chabrol), un Golden Globe et une nomination aux Oscars. Son insatiable curiosité l’a par ailleurs conduite aux États-Unis, à l’affiche de La Porte du paradis de Michael Cimino, et plus récemment aux Philippines ou en Corée du Sud, sous la direction de Brillante Mendoza ou Hong Sang-soo. Actrice globale qui éblouit l’écran comme la scène, elle est capable de passer d’une comédie sophistiquée à un film exigeant, et n’arrête jamais de tourner. Les Lyonnais auront la chance de rencontrer cette actrice aux mille facettes et de revoir sur grand écran une sélection de films qui ont marqué sa carrière. 

René Chateau : panthère noire et films cultes 

de Jeremy Fauchoux , 2024 

Personnage unique dans le paysage cinématographique français, René Chateau est avant tout un cinéphile. Gamin de Montreuil, il passe sa jeunesse dans les salles obscures avant de devenir carreleur, puis attaché de presse, publicitaire, distributeur, exploitant… jusqu’au moment où il fonde (sous le signe de son animal totem, la panthère noire) René Chateau Vidéo, permettant la (re)découverte de classiques et de raretés. À travers extraits de films, archives et interviews, la vie exceptionnelle de ce passionné.

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La Bête aveugle  de Yasuzo Masumura , Japon , 1969 

Michio, un sculpteur aveugle (Eiji Funakoshi) séquestre Aki, une jeune modèle (Mako Midori) rencontrée dans une galerie. Il la retient captive dans un hangar isolé, où il vit seul avec sa mère (Noriko Sengoku), possessive et castratrice. Michio veut s’inspirer du corps d’Aki pour créer une statue idéale. Si elle tente d’abord de s’enfuir, Aki se découvre peu à peu une étrange attirance pour son geôlier. 

La Bête aveugle avance comme un cauchemar éprouvant, une immersion dans l’univers d’un artiste enfermé dans ses obsessions. L’atelier de Michio est un décor hallucinant rempli de jambes, de seins, de bouches, de nez, autant de morceaux du corps féminin qu’il cherche à sublimer par la sculpture. Sa relation à sa mère tient du conflit œdipien. Prisonnière de cet espace suffocant, Aki va finir par rejoindre son ravisseur dans la folie, partageant jusqu’à sa cécité. Dans un style transgressif et dérangeant, Masumura transforme un huis clos oppressant en histoire d’amour sadomasochiste. Il tournera encore quinze films jusqu’à sa mort en 1986.

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Soleil rouge de Terence Young , France, Italie , 1971 

1870. Dans l’Arizona, une bande de hors-la-loi, menée par Link (Charles Bronson) et son complice Gauche (Alain Delon), dévalise les voyageurs d’un train. Gauche dérobe le magnifique sabre en or qu’un ambassadeur japonais devait porter au président des États-Unis. Attaqué par des Comanches, il abandonne Link et fuit avec le précieux cadeau. Pour se lancer à la poursuite de son acolyte, Link doit contre son gré faire équipe avec le redoutable samouraï Kuroda (Toshiro Mifune).

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Réalisateur des premiers films de la série James Bond, le Britannique Terence Young se retrouve cette fois aux commandes d’un western européen, situé au Far West mais intégralement tourné dans les plaines d’Almeria en Espagne. Avec son univers codifié (assaut ferroviaire, confrontation avec les Indiens, trahisons et règlements de compte), Soleil rouge prend bien sûr modèle sur les productions hollywoodiennes, tout en introduisant une bonne dose d’exotisme et d’humour.

Tous les ingrédients sont réunis pour faire briller un casting international quatre étoiles, où les stars à l’affiche s’amusent à jouer la partition qui les a rendues mythiques : Alain Delon est un élégant bandit vêtu de noir, Charles Bronson un gangster sarcastique, Ursula Andress une amante au caractère bien trempé, tandis que Toshiro Mifune importe dans le désert ses techniques de samouraï qu’on ne peut prendre en défaut.

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Le Train sifflera trois fois 

High Noonde Fred Zinnemann , États-Unis , 1952 

Hadleyville, petite ville de l’Ouest américain. Le shérif Will Kane (Gary Cooper) se marie. Pour épouser Amy (Grace Kelly), jeune femme quaker qui réprouve toute forme de violence, il abandonne son métier. Le jour des noces, on apprend la grâce de Frank Miller (Ian MacDonald), un malfrat qui terrorisait la ville et que Kane avait mis sous les verrous. Miller arrive par le train de midi, bien décidé à se venger…

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Dans ce film sec, récompensé par quatre Oscars, un shérif isolé (exceptionnel Gary Cooper, en retenue absolue) fait face à une collectivité lâche et couarde : abandonné de tous, il doit choisir entre fuir et éviter le recours à la force ou affronter seul le retour des malfrats, puisqu’aucun villageois ne veut l’aider. Le mouvement de grue final, inhabituel pour l’époque, exprime la profonde solitude de Kane. Unités de temps, de lieu et d’action : les plans réguliers sur les horloges rappellent l’arrivée imminente du danger, accentuant sans cesse une tension devenue palpable. Et en choisissant de photographier le film sans contraste, Zinnemann lui offre un style proche des « actualités », très concret.

« Le vrai sujet du film c’est ce que peut penser pendant une heure et demie un homme qu’on abandonne et qui pense qu’il va mourir, et c’est une grande habileté d’avoir choisi comme vêtement extérieur à cette réflexion ambulante le western qui est un genre tellement familier au spectateur qu’il suffit de quelques traits pour l’évoquer, pour donner un cadre sans dispersions pittoresques, pour donner un cohérent “anti chambre racinien” à cette pure tragédie. » (Jacques Doniol-Valcroze, Cahiers du cinéma n°16, octobre 1952)

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Vampyr de Carl Theodor Dreyer , Allemagne, France , 1932 

De passage dans la ville de Courtempierre, David Gray (Nicolas de Gunzburg) loue une chambre dans une auberge. Durant la nuit, un étrange vieillard (Maurice Schutz) lui remet un paquet, lui défendant de l’ouvrir avant sa mort…

En 1928, le cinéaste danois Carl Theodor Dreyer réalisait La Passion de Jeanne d’Arc, s’offrant un véritable succès pour son dernier film muet. Quatre ans plus tard, son nouveau film, Vampyr, est particulièrement attendu. Une attente comblée pour certains, mais le film est globalement un échec, des spectateurs demandant à être remboursés. Dreyer attendra dix ans avant de réaliser un nouveau film.

Pour son premier film parlant, mais très peu dialogué, Dreyer tourne en France et postsynchronise trois versions (allemande, française et anglaise) à Berlin. Son comédien principal, qui offre sa silhouette inquiète à David Gray, est le baron Nicolas de Gunzburg, fils d’un russe exilé à Paris rencontré lors d’un bal masqué. L’homme rêve de cinéma : il jouera et produira Vampyr, ce sera sa seule expérience.

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Les Sept Samouraïs de Akira Kurosawa , Japon , 1954 

Dans le Japon du XVIe siècle, les brigands font régner la terreur parmi les paysans qu’ils persécutent. Un village décide de recruter des samouraïs pour les protéger des pillages. Kambei (Takashi Shimura), aidé de son disciple, recrute quatre soldats, ainsi que Kikuchiyo (Toshiro Mifune), un homme fanfaron et brut. Les samouraïs sont d’abord réticents et méprisants. Mais peu à peu, paysans et guerriers apprennent à se connaître…

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Il est sans doute le film le plus connu d’Akira Kurosawa. Pourtant Les Sept Samouraïs a longtemps été projeté dans des versions amputées de 40 minutes à 1h30. La version complète, telle qu’imaginée par son auteur, est magistrale. À la frontière de plusieurs genres, il est un film épique de sabre, mais aussi une fresque paysanne, un drame comme une comédie aux accents burlesques. Inclassable.

Dans ce portrait de la condition humaine, deux mondes se rencontrent. D’un côté, les samouraïs, respectés, redoutés également : ils sont les nobles soldats. De l’autre, les villageois, considérés comme des gueux : ils demandent aide et protection. Pourtant, dans ce monde finissant, les samouraïs, errants, sont aux abois et travaillent contre un bol de riz. Après s’être jaugés, s’être méfiés les uns des autres, soldats et paysans se battront comme un seul homme, dans une bataille épique, sous une pluie battante – une image devenue mythique.

Avant d’en arriver là, Kurosawa s’autorise une longue exposition au cours de laquelle les samouraïs s’imprègnent de la psychologie des paysans. Les caractères et motivations de chacun sont explorés. Ainsi Kikuchiyo, incarné par Toshiro Mifune, est à part. Ni samouraï, ni paysan, il gêne. Son attitude irrite et ne respecte pas le code d’honneur des guerriers. Il finira par s’imposer par son comportement juste.

Inspiré des films de John Ford, Les Sept Samouraïs est bien plus qu’un « western japonais », comme il a longtemps été surnommé. Il démontre de façon éclatante tout l’art de Kurosawa, celui de filmer une histoire, de construire des plans et de les monter avec majesté.

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L’Héritage des 500 000 de Toshiro Mifune , Japon , 1963 

Durant la Seconde Guerre mondiale, le commandant Takeichi Matsuo (Toshiro Mifune) a dû cacher plusieurs milliers de pièces d’or dans la jungle philippine. Dix-huit ans plus tard, alors qu’il mène une existence paisible, il est sommé par un riche homme d’affaires, Mitsura Gunji (Tatsuya Nakadai), de partir à la recherche du butin en compagnie de ses hommes de main. Alors que Matsuo rêve de restituer cet argent à son peuple, ses compagnons ont d’autres plans…

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Au sommet de sa notoriété, Toshiro Mifune fonde sa propre société de production et choisit de se lancer dans la réalisation. Il s’entoure pour cela des plus fidèles collaborateurs d’Akira Kurosawa, dont le scénariste Ryuzo Kikushima, le chef opérateur Takao Saito ou le musicien Masaru Sato. Cette équipe a déjà travaillé ensemble sur les précédents films interprétés par le comédien. S’il découvre la mise en scène, Mifune se retrouve donc bien épaulé sur le plateau, en terrain familier.

Sous une trame classique de chasse au trésor, L’Héritage des 500 000 sonde la mémoire d’une génération traumatisée par le conflit – le titre fait référence au nombre de soldats japonais morts sur les champs de bataille du Pacifique. Mifune tient le rôle principal d’un ancien officier hanté par cette époque, contraint par un magnat cupide d’affronter son passé. Les deux hommes incarnent des points de vue radicalement différents sur le monde, la volonté de rendre honneur aux défunts s’opposant à l’appât du gain. Escorté par des sbires aux intentions peu louables, Matsuo tente au fil du voyage de réveiller leur part d’humanité. En remontant vers l’or enfoui, tous effectuent un cheminement mental, et les dilemmes moraux qu’ils rencontrent font le sel de cette expédition dans l’archipel. 

Pêcheur d’Islande  de Jacques de Baroncelli , France , 1924 

Dans la baie de Paimpol, Gaud (Sandra Milowanoff), jeune fille issue d’une famille fortunée, est amoureuse de Yann (Charles Vanel), pêcheur de morue. D’un milieu très modeste, Yann, bien que lui aussi épris de Gaud, refuse le mariage. Gaud attend Yann qui, tous les ans, part plusieurs mois en mer. 

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Chef-d’œuvre du cinéma muet, Pêcheur d’Islande est l’adaptation par Jacques de Baroncelli du célèbre roman de Pierre Loti, officier de marine et auteur d’une œuvre personnelle inspirée de ses voyages. Avec Mon frère YvesPêcheur d’Islande fait partie de son Cycle breton. Retranscrire à l’écran un roman signé d’un peintre d’atmosphère était une véritable gageure. Jacques de Baroncelli, rompu à l’exercice de l’adaptation et à la réalisation, signe un film d’une beauté saisissante, porté par le talent de ses deux comédiens : Sandra Milowanoff et Charles Vanel, qui dans un jeu sobre et avec une réelle économie de moyens, campe un Yann intense, tout en intériorité. Pour Jean Tedesco, « un des plus grands interprètes du silence » (Cinéa-Ciné pour tous n°24, 1er novembre 1924).

Dans la Bretagne sauvage et âpre du début du XXe siècle, Yann refuse l’union avec Gaud, plus riche que lui. Il en serait humilié. Il se dit alors fiancé à la mer. Ce n’est que grâce à un coup du sort qu’il accepte le mariage. Mais la mer, fiancée blessée, se vengera. La romance ici ne peut virer qu’au drame. La réalisation de Baroncelli, d’un grand dépouillement, fait aussi place à des images en surimpression, exposant rêves et évocations. La technique, maîtrisée par le cinéaste et son opérateur Louis Chaix, se met au service de ce drame de la mer.

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