Didier Comès : l’ œuvre au noir intégrale en 2 volumes

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A l’ occasion de la parution de sa biographie et des deux expos à Bruxelles Casterman a la bonne idée de publier l’intégrale noir et blanc de cet auteur « fantastique » : conteur d’exception et magicien du noir et blanc ;

On a ainsi toutes les « fables » hormis Ergun l’ errant réedité seul en couleur à part .

Et non négligeable on trouve entre les grands récits des histoires courtes par ordre chronologique ( dont deux hommages à Hergé et Pratt).

Seul petits regrets : la tailles des intégrales plus petite que les romans d’origine et l’absence des couvertures d’origines et des du matériel éditorial des édtions précédentes …

Petit rappel biographique de l’auteur avant de passer en revue les œuvres :

Didier Comès est né en 1942 à Sourbrodt, petit village des cantons de l’Est. Son père parlant allemand et sa mère wallon et français, il se définit lui-même comme étant un « bâtard de deux cultures ». En sortant de l’école à 16 ans, il sera dessinateur industriel. En parallèle, il s’initie à la musique. S’essayant aux percussions, il ne viendra à la bande dessinée que plus tard. En 1969, il écrit Hermann, une série de gags publiée dans les pages jeunesse du Soir. En 1973, Pilote publie le premier épisode d’Ergün l’errant, dont le deuxième épisode ne paraîtra qu’en 1980 chez Casterman. En 1975, celui qu’on considère déjà comme l’héritier spirituel d’Hugo Pratt écrit L’Ombre du corbeau. C’est en 1980 également que Casterman publie Silence, album qui consacre Comès et pour lequel il abandonne la couleur pour la technique du noir et blanc. Ensuite viendront La Belette (1983), Eva (1985), L’Arbre-Cœur (1988), Iris (1991) et La Maison où rêvent les arbres (1995).

A noter que son œuvre a un alpha et un oméga : elle s’ouvre et se clôt sur des histoires de guerre et de corbeaux plus malins que les hommes , un constat désabusé sur notre monde , le goût de la magie naturelle , des femmes mystérieuses du chamanisme et dans sa dernière case un interrogation sur le rôle de Dieu dans tout cela ….

L’ombre du Corbeau (1980)

Comès crée une œuvre qui conjugue réalisme, noirceur, fantastique et poésie,

Il donne de à première guerre mondiale un visage surréaliste ..

Septembre 1915, sur le front de la Meuse. Miraculeusement rescapé d’un bombardement de l’artillerie française, un combattant allemand, Goetz Von Berlichingen, erre seul dans un paysage dévasté. D’étranges visions – un joueur de flute, des animaux réchappés des tirs – le mènent à un château, lui aussi inexplicablement épargné par les combats. Les habitants du lieu, une curieuse famille dont certains membres se montrent amicaux, d’autres hostiles, semblent tous le connaître personnellement.

Silence (1981)

L’ album de la révélation ( existe aussi en couleurs ) préfacé par la conteur Henri Gougaud : un coup de maître , une ode à la tolèrance et à la magie …

Un des grans succès du journal A suivre qui popularisera le roman graphique

L’action se situe à Beausonge, un petit village des Ardennes. Opprimé par son maître, l’odieux Abel Mauvy, Silence le muet pense comme il parlerait et comme il écrit, avec des fautes d’orthographe. Silence ignore la haine et, malgré les mauvais traitements que lui inflige son maître, il garde l’esprit et le cœur purs. Mais Beausonge, qui cache bien des secrets, deviendra pour Silence à la fois le lieu de son initiation et de sa perte. Mis au courant par celle qu’on appelle « La Sorcière » de sa véritable histoire, Silence l’innocent traversera les épreuves sans céder à la haine Bel

La Belette (1982)

Comés continue dans la veine de la tradition primordiale et du féminin sacré : une belle illustration du cycle de la vie et une critique acerbe des médias .

Deux citadins, Gérald et Anne, viennent de s’installer dans un village des Ardennes en compagnie de leur fils Pierre, un adolescent autiste. Les premiers contacts avec les habitants – dont un voisin aux manières fuyantes, un curé en veine de prosélytisme et une femme étrange toute de noir vêtue, surnommée « la Belette » – sont difficiles, parfois houleux. Mais la tension s’avive lorsque Gérald, réalisateur de télévision très condescendant vis-à-vis des « superstitions » locales, décide de réaliser un documentaire sur les anciens rites sorciers toujours vivaces en milieu rural. Sur fond de non-dits et de vieilles haines toujours à vif, les événements étranges se multiplient. Et la nouvelle grossesse d’Anne devient un enjeu dans les affrontements invisibles mais sauvages qui secouent secrètement ce coin de campagne…

Eva ( 1985)

Comès nous entraîne dans un monde surréel, peuplé d’automates et de fantasmes inavouables en lien avec le poids des secrets de famille. Un univers qui s’apparente remarquablement à celui du chef-d’œuvre d’Hitchcock, Psychose et de Persona de Bergman ( l’ album est actuellement mis en espace à la maison Autrique de Bruxelles)

Le destin a voulu que ce soir-là, Neige tombe en panne de voiture. Et que la seule maison alentour soit celle d’étranges jumeaux, Yves et Eva. Tandis qu’elle attend le garagiste, Neige est peu à peu aspirée dans la relation sulfureuse qui lie le frère et la sœur.

L’arbre coeur (1988)

Comès aborde la question du traumatisme des grands reporters et revient dans une campagne magique dans une ambiance de conte de fée qui est une apologie du droit au rêve au risque de la folie …

Ambre, journaliste photographe, rentre mutilée d’Afghanistan. Les troubles mentaux de son enfance réapparaissent. Patrick, le voisin exploitant de parc à gibier se frotte à notre héroïne et nous assistons à la confrontation de deux folies.

Iris (1991)

Comès dresse ici un beau portrait de femme avatar moderne d’Alice au pays des merveilles : un roman d’apprentissage parfois cruel mais dans un esprit animiste qui convoque l’esprit de la geste Arthurienne ( avec un Merlin réincarné en chat )

Iris, une jeune fille au mystérieux regard félin, n’a jamais connu son père. Elle n’a que 17 ans mais sa beauté ensorcelle déjà ceux qu’elle croise. Un beau jour, dans la forêt, elle rencontre un être étrange, une créature, mi-cerf, mi-humaine.

La maison où révent les arbres (1995)

Ce roman se singularise encore plus par l’ étrangeté de son graphisme qui va du réalisme le plus fouillé à l’abstraction totale, la poésie du monde animal et végétal.

Une interrogation inquiète sur la notion de création et le prix à payer …


Après la mort de ses parents, la petite Cybèle vient vivre chez son étrange grand-mère, au bord des marais, dans la maison où rêvent les arbres. Et les rêves des arbres prennent vie, ils deviennent des papillons ou des oiseaux, comme cet adorable macareux joufflu qui vient rassurer Cybèle les nuits de terreur. Mais un jour, finis les rêves de douceur et de beauté. Excédés par l’attitude des hommes, les arbres se mettent à faire des cauchemars. Alors ils reprennent tout ce qui était leur création : la maison, la grand-mère elle-même, qui n’était qu’un rêve d’arbre. Et bientôt ce sera pire … toute la création est en danger ..

Les larmes du tigre ( 2000)

Comés sort de sa campagne natale pour nous faire voyager au pays des indiens , un bel hommage à son maître Hugo Pratt.

Dans la région nord-ouest du Canada, au 2e siècle de notre ère, un chaman solitaire reçoit la visite d’une jeune indienne, “Petite-Pisse-Partout”. Chassée de sa tribu pour avoir perdu son ombre, elle est venue demander l’aide de “Parle avec le Feu”. Grâce à sa médecine, ce dernier pourra donner des explications à “Celle qui a perdu son Ombre”. Puis il l’entraînera dans un voyage initiatique, au cours duquel ils rencontreront le nain voleur d’ombres qui les mettra sur la voie de la vérité….

Dix de Der (2006)

Ultime œuvre manifeste contre l’idiotie de la guerre et avec beaucoup d’humour dans un style graphique qui irradie la lumière à travers un noir et blanc encore plus maitrisé…

Décembre 1944, quelque part dans les Ardennes belges, lors de la grande offensive des armées d’Hitler. Au pied d’un calvaire mutilé par les bombardements alliés, au fond d’un cratère d’obus, un très jeune soldat totalement inexpérimenté, tout juste arrivé d’Angleterre, découvre qu’il n’est pas seul dans ce lieu désolé, ouvert à tous les dangers. Trois fantômes l’habitent déjà : deux tués de la guerre de 14, un Français et un Allemand, flanqués d’un ancien alcoolique morts d’une cirrhose du foie entre les deux guerres. Sous l’œil de corbeaux ironiques et insolents, cet improbable trio s’est lancé dans une partie de partie de belote dantesque, à laquelle il manque désespérément un quatrième joueur…

Et au final une dernière interrogation métaphysique qui a du hanter l’auteur toute sa vie …

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