Le Quatrième Monde de Jack Kirby Urban Comics

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Parallèlement à l’exposition Kirby d’ Angoulême Urban a eu la bonne idée de sortir le grand œuvre du King en 4 gros volumes de prés de 400 pages chacuns édités entre 2015 et 2018.

Travail salutaire alors que cet aspect essentiel de l’univers DC a été écarté de Justice League ( c’est Darkseid qui devait être le grand méchant selon Zack Snyder ) mais est assez bien exploité dans la saison 10 de Smallville ( qui convoque Darkseid , Dessad et Mamie Bonheur …)

Cette œuvre cosmogonique et apocalyptique parue à partir de 1971 nous entraine dans 4 séries qui se complètent et traitent de l’ éternelle lutte de la lumière et des ténèbres : la vie contre l’ anti Vie.Il y est question d’énergie pure ( la source) mobilisée et détournée par des êtres démiurgiques ( Darkseid et ses séides… : une saga « manichéenne » au sens originel ( soit  la double nature du monde par opposition à l’ existence d’un monde sans ombre d’où l’homme aurait chuté )Kirby crée ici un véritable mythe moderne (comme Lucas avec Star Wars qui s’inspire de Darkseid et d ‘Orion pour son drame familial… ) dont il avait déjà fait un brouillon avec les récits sur Thor ( Tales of Asagrd) et les Inhumains dans les 4 Fantastiques  chez Marvel.

En revenant chez DC en  1970 Krirby doit relancer Superman mais va en profiter pour créer un monde d’ après le crépuscule des Dieux Asgardiens ( Ragarnok ) : il choisit de reprendre le comics Superman’s Pal Jimmy Olsen, et apporte des modifications importantes à la série en introduisant The Newsboy Legion. qui est à l’origine un groupe de jeunes garçons qui, durant la seconde guerre mondiale, se retrouvaient toujours au cœur d’aventures improbables. Leurs histoires étaient déjà racontées en 1941 par Jack Kirby, en collaboration alors avec Joe Simon. Vingt ans après ce sont leurs enfants qui ont recréé ce groupe et qui contactent Jimmy Olsen pour lui présenter un appareil volant qu’ils ont construit. Le voyage d’essai les conduira tous dans une région mystérieuse peuplée de monstres, de motards possesseurs d’armes capables de vaincre Superman et de soldats protégeant des laboratoires secrets. Ils doivent aussi combattre des êtres venant d’un autre monde nommé Apokolips, dirigé par Darkseid et ce faisant participent aux combats qui opposent Apokolips à New Genesis. C’est d’ailleurs dans le deuxième épisode signé par Kirby (no 134) que Darkseid ( inspirè par Jack Palance et Richard Nixon ) apparaît pour la première fois. Les liens entre cette série et les trois autres seront renforcés lorsque Superman visitera New Genesis dans les nos 147-148. Ce sera toute fois sa série la plus parodique où il mettra en boîte autant  Jack Kinney big boss de DC ( à travers le personnage mafieux de Morgan Edge directeur de Daily Planet ) que Stan Lee mentor de Marvel ( à travers le mégalo Funky Flashman ).

La série les New Gods est au coeur de l’univers crée par le King : deux mondes s’ affrontent désormais dans le cosmos et sur la Terre : New Genésis ( monde paradisiaque ) et Apokolips ( monde ténébreux ) .Orion le guerrier de New Génésis est en fait le fils du maître d’ Apokolips Darkseid et lutte sans cesse contre sa part d’ombre ( qui déforme parfois son visage ..) : Kirby qui a combattu pendant la seconde guerre livre ici une métaphore cinglante du nazisme ( Darkseid et ses légions , Métron avatar de Albert Speer ..) et de la guerre froide ( le pisteur Noir vampirise un soldat blessé au Vietnam ).

Par ailleurs l’ autre héros principal Scott Free (inspiré d’un ami roi de l’ évasion Jim Steranko ) est issu de High Father mais a grandi dans l’ univers concentrationnaire de Apokolips avant de s’évader sur terre et de devenir un magicien «  roi de l’ évasion : Mister Miracle qui fait l’objet d’aventures parallèles  ( déjé publiées chez Vertige Graffic ): il ne rencontrera son demi frère Orion que dans sa 18éme et dernière aventure ( tome 4)  : un très bel hymne à l’ amour et la liberté qui finit mieux que les 3 autres séries .

Un mystérieux groupe de hippies les « Forever People » symbolisent  la jeunesse contestataire de l’époque et les inquiétudes sur les évolutions technologiques et les découvertes liées à l’ADN qui apportant leur lot de mutants et d’hommes nouveaux.Le plus surprenant est la création d’un héros par substitution ( comme Thor ) aux 5 jeunes : l ‘homme de l’infini qui les conduira vers un univers parallèle proche du Paradis mais aussi possible prison dorée , leur mission aurait elle échouée ? comme celle des Hippies du new age ?

Le Graal de Kirby ( fasciné par le monolithe de 2001 dont il adapte la suite en Comics ) est la Mother box qui relie ses héros à la Source ; c’est une sorte d’ ordinateur à tout faire qui permet entre autre la transfiguration d’ Orion et donne des « oracles » . On touche ici à l’aspect le plus  » symbolique  » de l’oeuvre sans doute lié à la culture Juive de l’auteur : la Source flamboyante faisant écho à la séphirot Ein Sof de la Kabbale mur indépassable assez opaque dans  les comics .

L’ édition est superbe : on a droit à la reproduction pleine page des couvertures en VO et bien sur aux superbes « splash pages » véritables tableaux intervenant à un point nodal du récit ( par exemple découverte du secret de la vie par superman page 173 ou cosmogonie page 203 et suivantes ) et nous faisant passer de l’ épopée au mythe .

Chaque tome est introduit par le témoignage d’un grand témoin de notre époque ( Grant Morrisson tome 1 Walt Simonson tome 2, Glen David Gold tome 3, Paul Levitz tome 4) et de conclut par une postface de Marc Evanier collaborateur de Lirby ( et auteur d’une monographie à son sujet ) ainsi que des crayonnés . Le tome 4 comporte des fiches personnages très utiles pour mieux appréhender la richesse d’un univers que Kirby aurait souhaité encore plus vaste ( il projetait deux autres séries autour de Big Barda et des jeunes New Gods de Néo Génèsis )

Le 4éme monde fascine par ses personnages de Démiurges ( Dark Side , High Father , Mamie Bonheur …) capables de transmuter la matière et les êtres vivants tandis que d’autres sont des passeurs (les Immortels , Orion , Scott Free, Métron , Light ray ) qui tentent de se frayer une voie au milieu du chaos  , seul Métron sur don fauteuil volant reste impénétrable au delà du bien et du mal , symbole d’une forme de conscience cosmique ( ?)  dernier recours dans la quête éperdue d’une nouvelle terre promise ?

Ainsi la lecture du 4éme monde confirme que Kirby a élaboré une lecture gnostique d’un système monde dont il aura par la suite du mal à envisager une fin cohérente qui puisse représenter un salut possible .

Les séries ont souffert de leur interruption en 1972 par le rédac chef Carmine Infantino suite à une baisse des ventes ( et aussi une mauvaise exploitation commerciale qui a varié les formats et les tarifs ) : après s’être investi dans les séries Kamandi et le Démon le King reviendra compléter les aventures de Mr Miracle de 1973 à 1974 puis offrira une double fin aux New Gods en 1984 et 1985 ( avec un projet cinéma qui ne verra pas le jour ) : la fin trop sombre de 1984 est tempérée par le graphic novel de 1985 ( Hunger Dogs ) publié dans le tome 4 , Kirby ( influençé par sa vision du retour du Jedi  ?) ne reproduit pas le conflit physique père fils et opte pour une fin plus ouverte et porteuse d’espoir ( et réintroduit l’ambigu Métron symbole de connaissance )

Le King recyclera alors sans fin cette aspiration à la délivrance d’un monde corrompu dans Super Powers ( et  ses jouets …) Capitain Victory et Silver Star ( bouclant ainsi la boucle : le permier strip sur lequel il avait travaillé en 1940 étant «  Mercure au XXéme s »une aspiration à traduire l’ hermétisme dans le 9éme art.

http://www.urban-comics.com/dossier/orion-et-les-neo-dieux/

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