L’essayiste Pacôme Thiellement continue de tracer son sillon d’exégète inspiré de la culture populaire en nous livrant le 4éme Opus d’une série qui interroge le sens perdu de notre post modernité : après avoir questionner la sphère des croyances (avec la Victoire Sans Rois) , la sphère de l’ Amour ( avec Sickomore Sickamour) puis la sphère de l’Art (avec l’Enquête infinie) il se penche sur un sujet d’une brulante actualité : notre impuissance politique face à monde en pleine crise de sens ou le terme « complotiste » tend à disqualifier toute pensée divergente.
On lui saura grée de continuer à diverger en prenant un peu de hauteur sans tomber dans le pédantisme mais avec toujours le souci de la pédagogie pour nous faire voir autrement de grands auteurs et acteurs de l’histoire des idées ( Breton, Artaud , Nerval, Balzac, Weil , Rivette , Fassbinder et sans oublier Juliette Berto …) : la mise en miroir des terroristes du complot et des théoriciens du complotisme est assez pertinente et permet de voir notre monde avec un peu plus de recul que ne le propose notre actu ( avec entre autres le navrant Civil War de Josh Garland).
On aime bien l’axiome central de l’essai « Et pourtant, tout pourrait changer. » mais tout est mis en œuvre pour que rien ne change. Tout pourrait changer, mais personne ne le veut vraiment dans le fond . Alors l’ auteur met à jour une tradition cachée, qui relie ensemble celles et ceux qui n’ont pas renoncé au changement – ni à considérer l’humanité comme quelque chose de pas tout à fait foutu. Cette tradition, qui passe de Honoré de Balzac à Jacques Rivette, du Chat de Chester à la Baghavad-Gita, de Jeanne d’Arc au Langage des oiseaux ou de Simone Weil à Antonin Artaud, : le lecteur est confronté à une tradition des marges et des profondeurs, où luit encore la possibilité de l’absolu chère aux poètes hermétistes et gnostiques … Un appel pressant à redonner un sens noble au terme de « politique » par nos actions et interactions de tous les jours avec nos frères humains enfin considérés comme des « âmes soeurs » en recherche et non plus comme l’enfer Sartrien…
Et cerise sur le gâteau , ultime synchronicité en bonus final la publication d’un scénario inédit de Jacques Rivettes « L’Année prochaine à Paris » écrit avec Pascal Bonitzer, Christine Laurent..
Un ultime pied de nez à une filmographie inspirée que Pacôme commente dans les copieux bonus des rééditions en cours chez Potemkine.
Belle confirmation de la nécessité de voir le monde d’un point de vue non duel ( et de démasquer les « oppositions contrôlées » avec comme perspective de refaire société par la base à la manière des Cathares dont l’esprit irrigue les plus belles pages de cet essai salutaire ….