Festival Lumières 2015 : bravo maestro

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Trés belle édition présidée par martin Scorcese

Aperçu des photos de ses films dans l’enceinte de l’ institut

et la soirée de clôture à la Halle Tony Garnier

The Last Temptation of Christ  de Martin Scorsese , États-Unis , 1988

Jésus (Willem Dafoe), homme du peuple et charpentier, livre des croix pour les crucifixions exécutées par les Romains. Judas (Harvey Keitel) l’accuse de collaboration et les zélotes ne tardent pas à missionner ce dernier pour l’éliminer…

C’est Barbara Hershey qui fit découvrir le roman de Nikos Kazantzakis à Martin Scorsese sur le tournage de Bertha Boxcar en 1972. Il eut aussitôt envie de l’adapter, mais ce parcours durera seize longues années.
Le sujet parle évidemment à Scorsese, élevé dans la religion catholique, et qui fut un temps tenté par la prêtrise. Le cinéaste a aussi grandi avec les péplums, mais c’est une toute autre version de la vie du Christ qu’il livre. Il sort de l’iconographie habituelle, se rapprochant bien plus de la version sobre de Pier Paolo Pasolini que des films bibliques hollywoodiens à la Cecil B. DeMille. Scorsese présente le Christ comme une figure humaine, « entièrement Dieu et entièrement homme ». Il ressent donc le doute, la douleur, les tentations, le désir… Au point que le Christ, sur la croix, se voit marié avec Marie-Madeleine, avec des enfants, puis vieillard, renonçant ainsi à sa condition divine pour une vie d’homme. Il en fait le symétrique des autres personnages scorsesiens qui avaient, quant à eux, une part d’humanité dans leurs névroses.

C’est ce traitement du Christ comme une personne et non comme une icône qui déchaîna les passions. Dès 1983, l’Église catholique fit pression, obligeant les premiers studios à se désengager. Puis le film sera mal reçu par une critique étonnamment puritaine, et en France, l’épiscopat tentera de le faire interdire, tandis que des intégristes attaqueront des salles provoquant la mort d’un spectateur. Un accueil extrêmement violent pour ce film qui, en définitive, n’aborde que des sujets chers à Scorsese : la trahison, la rédemption et surtout « le conflit entre la chair et l’esprit, le spirituel et le matériel ». Le résultat est superbement servi par des acteurs très impliqués dans leurs personnages ( Keitel est surprenant en Judas et Dafoe passionné en Jésus ) et une envoutante musique ethnique de Peter Gabriel .

George Harrison: Living in the Material World   de Martin Scorsese , États-Unis , 2011

La vie et la carrière du plus timide des Beatles, de sa naissance durant la Seconde Guerre mondiale jusqu’à sa disparition à Los Angeles.

En 1995, alors que l’anthologie des Beatles doit être complétée, George Harrison émet le désir de raconter son histoire. Un souhait qui ne se réalisera qu’après sa disparition : Olivia, son épouse, reçoit alors de nombreuses propositions pour tourner un film sur la vie de George. Peu convaincue par celles-ci, elle se tourne vers Martin Scorsese, après avoir vu son No Direction Home : Bob Dylan (2005). Le réalisateur accepte de réaliser le documentaire et se penche sur l’histoire du plus méconnu des Beatles.

À travers des images d’archives conservées par le musicien et des interviews avec ses amis les plus proches, George Harrison : Living in the Material World s’attarde particulièrement sur le crépuscule des Beatles, les tensions entre les membres et le poids écrasant de la célébrité auquel dut faire face George Harrison. Scorsese y retrouve son univers : la violence dans l’histoire , le star systéme , la vie de communauté . Mais on sent que c’est surtout dans les préoccupations spirituelles de Harrison qu ‘il se reconnaît : sa quête mystique renvoie à la sienne . Harrison recherche dans l’ orient une façon de vivre en Paix comme Scorcese ira filmer la jeunesse du Dalai Lama . La notion de Sacrifice présente comme une nécessité dans la dernière tentation du Christ est inscrite dans l’ histoire des Beatles : Harrison a failli être tué comme Lennon il a survécu et a du lutter contre le cancer .Reste le portrait d’un rebelle devenu sage et de son amour pour une femme qui a su l’ épauler jusqu’ au bout et à qui on doit ce beau film hommage .

Lumières sur le cinéma de DUVIVIER

David Golder de Julien Duvivier , France , 1931

David Golder (Harry Baur), sorti d’un ghetto juif de Pologne, est devenu un riche banquier à Paris. Dur en affaires, il refuse de sauver de la faillite son associé, qui se suicidera. Golder tombe malade et décide de rejoindre sa femme Gloria (Paule Andral) et sa fille Joyce (Jackie Monnier) dans leur villa de Biarritz. Mais la maison est envahie de parasites qui ne songent qu’à lui soutirer de l’argent.

Duvivier réalise ici son premier film parlant en adaptant le roman de mœurs David Golder de Irène Némirovsky . L’œuvre est très noire : dans le milieu des financiers, David Golder est un homme redouté pour sa dureté il n’ a de sentiments que pour sa fille Joyce, frivole et cupide. Duvivier dépeint un milieu sombre et sordide dans lequel Golder va perdre ses dernières illusions et se confronter à la perte . Harry Baur est superbe en géant blessé figure moderne du juif errant déchu de son royaume . L’ ambiance sonore est très travaillé et donne une « âme » au film : la litanie finale n’est pas sans évoquer l’ usage que Grémillon fera de la musique dans « Remorques » un moyen d’ envouter le spectateur…

La Belle équipe de Julien Duvivier , France , 1936

Cinq amis, ouvriers au chômage et révoltés, gagnent à la Loterie nationale grâce à un billet acheté en commun. Ils décident de construire ensemble une guinguette en bord de Marne.

La Belle Équipe est devenu, malgré lui, un film emblématique d’une année riche en événements : l’avènement du Front populaire, la création des congés payés, le début de la guerre civile espagnole… C’est toute la mythologie de 1936 (chômage, solidarité ouvrière, désir d’ascension sociale, situation incertaine des immigrés, promenades en bord de Marne) qui le traverse de part en part. Mais Duvivier se défendra toujours d’avoir voulu réaliser un film politique et engagé.

Car c’est bien l’histoire d’un groupe de copains, dont le rêve vire au cauchemar sous l’effet de difficultés, d’accidents et de querelles amoureuses. Un drame dont la fin pessimiste fut jugée trop noire par le producteur, qui obligea Duvivier à en tourner une autre version, plus optimiste abandonnée dans cette restauration . L ‘auteur montre comme les idéaux sont peu de choses face au poids du destin et des passions humaines : il figure à nouveau une femme fatale qui accélérera la désagrégation de la bande d’amis .L’interprétation est magnifique : on a envie de chanter avec Gabin et de croire à un bonheur possible , mais cela restera un utopie pour Duvivier

Panique de Julien Duvivier , France , 1946

Villejuif. Une femme est retrouvée assassinée. La population est en émoi, sauf Monsieur Hire (Michel Simon), célibataire misanthrope, que tout cela laisse indifférent. La voisine de Monsieur Hire, Alice (Viviane Romance), sort de prison et retrouve son amant, Alfred (Paul Bernard). Monsieur Hire sait bien des choses sur Alfred…

Après quatre années d’exil aux États-Unis, Julien Duvivier revient en France à l’été 1945. L’accueil est âpre pour ceux qui sont partis et l’atmosphère est plutôt nauséeuse.C’est dans ce contexte qu’il décide d’adapter Les Fiançailles de Monsieur Hire de Simenon, l’histoire d’un homme qui, à cause de sa différence de caractère, sera désigné comme le coupable idéal du meurtre d’une femme. Duvivier décrit avec force le processus de la rumeur,   une chasse à l’homme organisée par une foule violente à la recherche d’une victime expiatoire. Les personnages sont perfides, manipulateurs et lâches : tous les défauts de l’âme humaine sont présents dans cette galerie de portraits édifiants. Duvivier joue également sur les apparences trompeuses, amenant le spectateur, sinon à rallier la foule, au moins à s’interroger sur Hire. La mise en scène est véritablement inspirée, avec ses sublimes effets de grues, sa photo noir et blanc parfois expressionniste et sa direction d’acteurs parfaite. Michel Simon excelle ici dans l’un de ses plus grands rôles tout en ambiguité .

Comme dans la Belle Equipe la bande son évoque une fraternité rêvée que les hommes n’ arrivent pas à mettre en pratique .

 

Carl Theodor Dreyer La Passion de Jeanne d’Arc,

Pour la sixième année consécutive, le festival Lumière poursuit la mise en valeur des films essentiels des débuts du l’histoire du cinéma, dans des conditions de projection et d’écoute idéales. Un spectacle total, proposé à l’Auditorium de Lyon.
après le Dernier des hommes l’année dernière. Ce chef- d’oeuvre du muet devenu invisible, a été superbement restauré par la Gaumont. Est entièrement accompagné à l’orgue de l’Auditorium intégré à la salle .

En 1431, Jeanne est conduite enchaînée, dans le château de Rouen, devant un tribunal ecclésiastique au service de l’occupant anglais. Elle fait front contre les outrages avec une humilité désarmante. Jugée hérétique, elle est condamnée et brûlée vive sur le bûcher, au milieu d’une foule déchaînée…

Ce film brille par son éblouissante mise en scène où la caméra scrute les visages, les regards, sans se soucier du décor environnant. Dreyer multiplie les gros plans de Renée Falconetti, l’une des plus bouleversantes Jeanne d’Arc de l’histoire du cinéma,  et signe un film quasi-expérimental, baigné dans la blancheur de l’image et un rythme hypnotique. Plus qu’un film, une méditation sur l’ hérésie et la grâce

 

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