Voilà un biopic fort bien documenté sur un pionnière méconnue du 9éme art:après Kiki de Montparnasse, Olympe de Gouges et Joséphine Baker, Catel et Bocquet mettent en lumière le parcours d’Alice Guy née en 1873 . Celle ci fut en effet la première réalisatrice, scénariste, productrice. Son destin, hors-normes, épouse tous les éclats d’un siècle qui fut riche en métamorphoses, bouleversé par une révolution industrielle qui ouvrit aux femmes les portes du monde du travail. Une femme en mouvement, en action : c’est précisément ce que montre, Catel avec un trait dynamique qui révèle l’incroyable vivacité d’Alice Guy.
Cette autrice diplômée des Arts plastiques et Arts décoratifs de Strasbourg travaille depuis 1990 comme illustratrice pour des romans, dans la presse et la littérature jeunesse avant de s’ouvrir à une certaine bande dessinée féminine en évoquant des sujets contemporains.
Le scénariste dresse le portrait d’ une femme forte qui parlait technique et affaires, d’égal à égal avec les hommes. Il publie ses premiers romans dans la collection Série Noire chez Gallimard puis signe des monographies consacrées à des réalisateurs et auteurs de bandes dessinées. Il sera scénariste pour Pierre Jolivet et Georges Lautner entre autre. Il devient ensuite scénariste de bandes dessinées et débute dans les pages de Métal Hurlant.
L’histoire est simple et édifiante:en 1895, à Lyon, les frères Lumière inventent le cinématographe. Moins d’un an plus tard, à Paris, Alice Guy, 23 ans, réalise La Fée aux choux pour Léon Gaumont. Première réalisatrice de l’histoire du cinéma, elle dirigera plus de 300 films en France. En 1907, elle part conquérir l’Amérique, laissant les Films Gaumont aux mains de son assistant Louis Feuillade. Première femme à créer sa propre maison de production, elle construit un studio dans le New Jersey et fait fortune. Mais un mariage malheureux lui fait tout perdre.
Femme libre et indépendante, témoin de la naissance du monde moderne, elle aura côtoyé les pionniers de l’époque : Gustave Eiffel, Louis et Auguste Lumière, ou encore Georges Méliès, Charlie Chaplin et Buster Keaton.
Elle meurt en 1969, avec la légion d’honneur, mais sans avoir revu aucun de ses films – perdus et oubliés. C’est en 2011, à New York, que Martin Scorsese redonne un coup de projecteur sur cette femme exceptionnelle.
Au final une belle leçon de vie et d’amour du cinéma :les blessures intimes et les coups durs n’ont pas empêchée Alice de se battre pour rendre son œuvre visible et reconnue.
S’il est aujourd’hui possible de voir des films d’Alice Guy, ils ont longtemps été remisés dans des granges plus obscures que les salles auxquels ils étaient destinés. L’impressionnant et réjouissant travail de recherche de Catel et Bocquet nous permet aujourd’hui de nous plonger dans sa vie. Une vie riche, prolifique et romanesque, plus inspirante que jamais.
L’épais roman graphique (plus de 300 pages ) se conclue de façon fort pédagogique de notices sur les acteurs de l’époque évoqués dans l’histoire : l’occasion de rendre un hommage mérité à Francis Laccassin initiateur du premier club de BD qui contribua à la redécouverte de cette cinéaste à la fin de sa vie …
https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/albums/alice-guy