Chercher la perle inShare KNIGHT OF CUPS de Terrence Malick ( 2015 )

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Knight of Cups et les deux films qui le précèdent (“the Tree of Life” et “A la merveille”) abolisent la distinction entre cinéma classique et expérimental : ils invitent le spectateur à entrer en lui même pour comprendre ce qu’il perçoit de l’extérieur.

knight of Cups est découpé en 9 parties distinctes, chacune se voyant rattachée une carte du Tarot. Dans la Kabbale, le nombre 9 exprime la fin d’un cycle car il y a neuf chiffres qui se mélangent pour donner les séries de nombres suivants. Le découpage en 9 parties suggère que le film raconte un cycle complet : la somme des lames choisies fait bien 9

L’utilisation du Tarot n’entre pas ici dans sa fonction prédictive mais dans sa fonction descriptive de connaissance de soi : la version choisie ici est le Rider Waite moins connoté chrétien que le Tarot de Marseille : la somme des cartes tirées lors de la séance ( Soleil, fou , Pendu , Etoile ) fait 3 : ce qui peut signifier que pour devenir un homme nouveau ( neuf 9 ) il faut passer par les 3 étapes de l’ alchimie qui rétablissent l’ homme dans sa triple dimension corps âme esprit …

Le chevalier de Coupe dans le tarot Rider Waite tient une coupe qui ressemble au Graal :

dans le film c’est l’ alter égo du réalisateur et du spectateur Rick souvent en létargie : le dormeur doit se réveiller ( wake up ) en trouvant la voie ( du vide : way cup …)

Chaque partie du film est une rencontre du protagoniste avec un personnage avec qui il partage, la plupart du temps, un lien sentimental. La carte du Tarot associée va désigner la personnalité de cette rencontre, la situation de Rick vis à vis d’elle et ce qu’elle lui apporte intérieurement. Car, comme le film nous le fait comprendre à plusieurs reprises, rien n’est laissé au hasard; chacun est “un ange, un guide” pour les autres.

A noter la présence d’un acteur qui est passé quasi-inaperçu : Ben Kingsley n’a fait que prêter sa voix pour donner vie au père, non pas le père physique mais le père intérieur: Dieu. Là réside le tour de force, sa voix se confond aisément avec celle de Brian Dennehy (qui joue Joseph, père biologique de Rick). Deux personnages distincts qui s’assimilent l’un-l’autre alors qu’ils occupent deux fonctions opposées. Rick a donc deux pères, deux guides paternels, l’un à l’extérieur de lui et l’autre à l’intérieur en écho aux deux voies ( la nature et la grâce ) évoquées dans Tree of Life .

Le film raconte l’histoire d’une quête, une voyage spirituel que doit accomplir Rick. Cette quête est énoncée par le texte gnostique du chant de la perle tiré des actes de Thomas ( en lien avec le Manichéisme) : Le roi de l’est envoya son fils, le prince, à l’ouest en Egypte pour trouver une perle. A son arrivée les gens lui offrirent une coupe qui lui fit perdre la mémoire. Il oublia alors toute sa mission et son origine. Toutefois le roi ne désespéra pas et envoya périodiquement des messagers et des guides pour lui rendre la mémoire.

Cette histoire se veut une allégorie de la condition de l’homme dans le monde physique. Inconscient de son pouvoir, amnésique, l’homme ne parvient pas à se souvenir de sa constitution divine, il ne saisit pas l’étendue de son égarement. C’est un pêcheur.

Cette idée est renforcée par “Le voyage du pèlerin” du britannique John Bunyan (1678) auquel il est explicitement fait allusion à diverses reprises tout au long du film,

L’ analogie est frappante avec l’ exode biblique ( Christian Bale a joué Moise dans Exodus de Ridley Scott):-les Égyptiens surnommaient leur pays “Kemet” qui signifie “le pays de la terre noire” en raison du limon noir (boue) déposé par les crues du Nil. L’eau impure, boueuse, venait recouvrir l’eau pure et transparente ainsi que toutes les terres qu’il l’entouraient : sortir d’ Egypte signifierait réintégrer une conscience unifiée non poluée par l’inconscient refoulé …

Le “thème principale” du film est constitué par le morceau “Exodus” composé par Wojciech Kilar (1932-2013) en 1981, un compositeur célèbre pour ses musiques de film mais aussi pour ses compositions symphoniques tels “Krzesany” (qui signifie: “en escaladant les montagnes” en polonais)

Le thème apparaît dans les phases d’illustration de l’exode de Rick, lorsque l’hédonisme et le matérialisme ont pris le dessus. Ce sont généralement les séquences de fêtes et d’assouvissement charnel, laissant un Rick profondément malheureux sans raison apparente.

La lune caractérise la rencontre,avec Della (Imogen Poots) : elle se fait par un plongeon dans l’eau, Elle remarque sa tendance mélancolique et méditative et lui assène un “Réveille toi”.Tous deux vont vivre une relation passionnelle basée sur la jouissance. Della le lui fait remarquer: “Tu ne veux pas d’amour, tu veux une expérience d’amour”. Phrase concrétisant un monde régi par une société de consommation dont Rick n’est que le triste produit. Cette tare sera motif à séparation: “Nous sommes destinés à autre chose” justifie Della en simplicité. Sa fonction dans la vie de Rick étant achevée, elle sort du cadre comme le ferons tous les personnages lorsqu’ils sortiront de la vie de Rick.

Celui-ci, perdu, commence à chercher sa voie. Il se rend chez une voyante pour se faire dire la bonne aventure et obtient le tirage suivant qui est la trame initiatique implicite du film :

– le Chevalier de Coupes: représente une personnalité de rêveur sensible et lunatique qui a peur de l’engagement mais aussi le changement intérieur.

Soleil: Bonheur, Joie, Succès.

Fou: Début du voyage, aventure, expérience, innocence.

Pendu: Contemplation, méditation, nouvelle perspective..

Etoile: Espoir, souhait, guérison, calme.

Rick est le Chevalier, il veut atteindre le soleil. Il entame un voyage qui se fera par trois étapes: le début du voyage (le Fou), le retour sur soi (le Pendu) et la paix intérieure (l’Etoile).

Le pendu est en lien avec la malédiction familiale qui tourne autour de la dépression du frère de Rick: Barry (Wes Bentley) et son père Joseph (Brian Dennehy) et surtout au second frère: Billy, mort certainement en se suicidant tandis que la mère s’est séparée du père acteur raté et décéde pendant le film … Chacun exprime sa tristesse profonde à sa façon. Rick est un tombeur fêtard. Barry est plus agressif, c’est le destructeur. Il l’est pour les autres (comme Rick le lui reproche) mais aussi pour lui-même.

Pour Joseph en revanche, le chemin est plus sombre. Chacune de ses apparitions, même lorsqu’elles sont filmées à l’extérieur, se fait dans une ambiance quasi-claustrophobe, il a perdu le soleil ,il se lave les mains dans le sang, probablement pour essayer de se purifier, tandis qu’en réalité il ne fait que se couvrir de douleur.

L’hermite représente l’introspection, la crise intérieure qui amorce le changement. Il voit Rick s’éloigner peu à peu de son ancienne vie. Son “ami” Tonio (Antonio Banderas) l’invite à une fête avec des stars Rick y rencontre Helen (Freida Pinto) et croise Karen (Teresa Palmer), deux âmes avec qui il aura une histoire ultérieurement. Pour le reste il s’amuse ou du moins il essaie. Mais progressivement la lassitude et la nostalgie le prennent et il devient contemplatif, cherchant la véritable spiritualité au milieu de cet océan de débauche. Ben Kingsley lui souffle la solution “lève toi et trouve la [la perle]” : la musique orientale fait écho à cette nécessité de trouver l’orient de l’ être …

Le jugement symbolise la renaissance par le pardon. Ici, Rick va faire la paix avec son passé d’homme marié et donc avec son ex-partenaire: Nancy (Cate Blanchett).

Celle-ci fait le récit de la détérioration de l’humeur de son mari et de la perte de son attitude positive vis à vis de la vie: “Tu as changé, le monde t’a absorbé”. C’est lorsqu’il était avec elle qu’il a commencé à se chercher, mais il s’est perdu.

Elle est triste de ne pas avoir eu d’enfant avec lui. Le complexe de la paternité de Rick, déjà présent depuis le début du film, prend alors de l’ampleur dans les problématiques qu’il affronte. Infirmière elle aurait pu le « guérir » mais il n’ était pas prét …

La Tour est lièe à la tentation du pouvoir Rick se voit offrir la possibilité d’obtenir une grosse promotion dans un ’environnement parsemés de tours métalliques , mais il ne semble pas vouloir jouer le jeu ….

C’est le moment clef du film qui commence sur l’arcane 18 – le Soleil, plongé dans l’eau,de l’ aquarium : il accepte de descendre de sa tour d’ivoire : par un retournement de conscience la joie et la paix le pénètrent doucement.

Il est aidé par le passage d’Helen (Freida Pinto) qu’il avait rencontré à la fête de Tonio : elle est zen, médite et lui refuse sa couche etl’ invite à sortir de la voie des rêves .

La Grande Prêtresse est la gardienne des eaux, à la fois la spontanéité et la recherche ésotérique, le mystère : c’est une stripteaseuse, Karen (Teresa Palmer) rencontrée à Las Vegas qui remarque tout de suite sa tristesse intérieure et se propose de l’aider. Leur relation va revêtir deux facettes: dans un premier temps elle lui enseignera sa façon de voir les choses, en lâchant prise et en lui dévoilant la spontanéité.

Mais dans un deuxième temps elle ne montre aucune mesure et démasque une tendance à l’excès et au caprice. : son éveil a été provoqué par la prise de drogue : elle sera achetée par le système qui la révèle capricieuse et vaniteuse. Il font la rencontre de l’incarnation d’un l’ange déchu et représentation de L.V sous la forme d’un homme noir avouant son penchant pour les femmes et l’argent.

La Mort caractérise un changement profond, une renaissance intérieure complète, la deuxième naissance, Elizabeth (Natalie Portman) sera la cause principale de la mort symbolique de Rick : c’est une femme mariée, qui tombe follement amoureuse de lui L’amour qui les unit et fort et vrai. Rick, aspire désormais à une relation saine, il pense avoir trouvé la perle. Ils font la rencontre de Peter, interprété par Peter Matthiessen un moine bouddhiste mort en 2014, dont Rick fera son maître spirituel. “Je n’enseigne que ce moment” Mais Elizabeth lui dévoile qu’elle est enceinte, mais elle ne sait si le bébé est le sien ou celui de son mari, qui par la même occasion est revenu. : elle le quitte

Peu après, sa mère décède. Rick se rapproche alors de la religion, élément qu’il avait exclut toute sa vie: “[Dieu] montre son amour, non pas en t’aidant à éviter la souffrance mais plutôt en t’en envoyant”. “Souffrir te lie à quelque chose de plus grand que toi même” lui enseigne le prêtre incarné par Armin Mueller-Stahl. “Tu ne dois pas te contenter de regarder patiemment les problèmes qu’il t’envoie, tu dois les considérer comme des cadeaux”. Il apprend à faire le deuil de cet amour et renoue avec une spirtualité orientale et occidentale à la fois

La liberté n’est pas une carte de tarot mais la complétion de la quête de Rick qui se réveiller et s’accomplit en lien avec Isabel, interprétée par Isabel Lucas. ( personnage secondaire vue dans chaque partie lui accorde quelques instants dans lesquels elle fait un caméo visuel pour sublimer l’éternité de sa présence,) à la manière d’Helen, Isabel célèbre l’eau de la renaissance : c’est une passeuse Rick sort la tête de l’eau salée: il est pleinement éveillé. Il contemple, sous l’oeil bienveillant du soleil (objet de toute sa quête), la montagne qu’il lui faut à présent gravir, son véritable voyage peut alors commencer:

Mais quel est il vraiment ?

Pendant toutes ces rencontres Rick n ‘aura pas prononcé un seul mot: il aura revu toute sa vie comme un rêve ou comme si il faisait une expérience de mort approchée ( c’est aussi la clef de lecture du personnage de Sean Penn dans Tree of life) ……………….

A la fin la boucle est bouclée : il prononce « commence » , il nous invite à commencer une vie avec une nouvelle conscience , il est devenu père où peut être s’est il réincarné dans cet enfant une fois la perle son âme divine retrouvée ….

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