Valérian au delà de 2001

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L’œuvre de Jean-Claude Mézières et de son ami co-scénariste Pierre Christin a depuis l’origine des liens étroits avec le septième art.

Le cinéma lui doit beaucoup : dans le tome un de l’intégrale ′′Valérian′′ ( Dargaud 2007) on trouve page 10 et 11 les emprunts inavoués de George Lucas : des images des films (de 1977 à 2005) font curieusement écho à des cases des albums datant de 1971 : peu procédurier, Mézières répondra par un dessin humoristique qui réunit les héros des deux sagas dans un numéro de Pilote en 1983(1) (dèja dans le cadre un article sur BD et cinéma).

Pour que le cinéma rende enfin justice au travail de Jean-Claude Mézières il faudra attendre 1997 : la collaboration avec Luc Besson pour le film ′′Le cinquième élément′′ auquel le dessinateur va collaborer (voir ′′Les extras de Mézières n° 2, mon Cinquième élément′′), puis 20 ans après l’adaptation controversée de ′′Valérian′′ sur grand écran (inspirée de deux albums, ′′L’empire de mille planètes′′ de 1971 et ′′L’ambassadeur des ombres′′ de 1975).

C’est du côté de Stanley Kubrick et de son chef-d’oeuvre ′′2001 odyssée de l′espace′′ (qui ressort restauré pour son 50e anniversaire au Festival de Cannes cette année) qu’on peut trouver l’alpha et l’oméga de l’inspiration cinématographique de nos deux compères.

Hormis Jack Kirby (qui avait signé l’adaptation du film en comics et fait une suite en 10 volumes qui n’est toujours pas traduite en français) aucun dessinateur n’avait mieux mis en image les mystères de l’espace auxquels Kubrick voulait nous initier …

Comme le film de Kubrick, la série n’a cessé de se métamorphoser : le dessinateur nous donne des atmosphères très différentes les unes des autres allant du Paris des années 1980 au mystérieux Port du gouffre du Grand Rien où se conclura l’odyssée spatio temporelle… Placée sous le signe du voyage dans le temps, la série se conclut sur un superbe paradoxe spatio-temporel avec une touche poétique qui n’est pas sans rappeler l’univers de Jean Coteau revendiqué par Pierre Christin .

La référence à Kubrick est présente au début et à la fin des ′′Voyages de Valérian et Laureline′′.

Cette influence majeure est revendiquée par Jean-Claude Mézières, plus inspiré par la littérature de SF en général (cf. ′′La Patrouille du temps′′ de Poul Anderson ) ; il évoque aussi deux autres classiques du film de SF : ′′Planète interdite′′ de Fred Wilcox (1956) et ′′Le jour où la Terre s’arrêta′′ de Robet Wise (1951).

Dans ′′La cité des eaux mouvantes′′ publié en 1970 on retrouve le satellite qui ouvre l’odyssée spatiale de ′′2001′′ ( repris sur l’ affiche du film (2)) son du ′′Beau Danube bleu′′ : c’est le satellite secret ou s’est réfugié Xombul (planche 25 3). Celui-ci, scientifique fou, tente de prendre le pouvoir suite au cataclysme qui vient de ravager la planète en 1986 ; Valérian et Laureline débarquent à New York, engloutie sous les eaux et la végétation pour mettre fin à ses agissements. Comme le film de Kubrick (sorti en 1968 avant que ‘l’homme ne pose le pied sur la Lune en 1969) l’album se montrera prophétique :l’accident nucléaire relaté dès la deuxième page deviendra réalité près de 20 ans plus tard à Tchernobyl…

À à la fin de la série, soit aprés plus de 43 ans de création, le célèbre monolithe noir de Kubrick se retrouve dans la silhouette menaçante des Wolochs (cf. ′′L’Ordre des pierres′′ en 2007) 4 : ces mystérieuses pierres noires « matière totalement opaque, structure moléculaire inconnue, température incroyablement basse » (dixit Valérian), semblent procéder à un rituel de destruction de l’univers (voir leur apparition planches 39 et 40 dans ′′Au bord du Grand Rien′′, puis pages 8 et 10 de ′′L’ordre des pierres′′).

Le ton des trois derniers albums de la série publiée sur quatre ans d’intervalle devient plus noir : menacés par ces pierres sombres, confrontés à la cupidité du tiumvirat de Rubanis (symbolisant la collusion entre capitalisme, mafias et services secrets), Valérian et Laureline voient leur quête de la terre compromise… En voulant modifier le passé pour épargner la Terre, nos agents spatio-temporels venus de la lointaine Galaxity du XXXIIe siècle avaient perdu leur base et leur Terre du futur.

Alors que dans ′′2001′′ le monolithe symbolise un deus ex machina ni bon ni mauvais ( Michel Cazenave psychanalyste Jungien l’ a analysé comme une aviation de la pierre philosophale des alchimistes clé de la mutation de l’Humanité, les pierres symbolisent le chaos paradoxal (ce sont les maîtres du Grand Rien, « l’ordre des pierres ») qui agit parfois aussi à travers les « âmes obscures » des principaux antagonistes rencontrés dans la série (voir les superbes pages 23 à 26 du dernier tome).

Face à cette « menace fantôme » le remède semble être « l’ouvre temps » (qui donne son titre au dernier album) détenu par une tribu ancestrale les Limboz : c’est une petite sphère accrochée à une ficelle ; telle une pierre philosophale, elle permet de modifier l’ordre de l’univers en renvoyant les pierres au chaos d’où elles viennent .

Aprés avoir voyagé comme l’astronaute de ′′2001′′ au bord de l’ univers nos deux agents finissent par retourner à Galaxity où les retrouvailles avec l’antagoniste d’origine Xombul (qui vivait dans un satellite dessiné comme dans le film et peut symboliser la roue cosmique des cycles de vie ) va ouvrir une nouvelle porte à notre couple de héros qui s’est débarrassé de toute forme de peur…

La fin des fins de ′′Valérian′′ rejoint finalement celle de ′′2001′′ avec une étrange vision d’une vie qui recommence sur fond de Cosmos , bel écho au thème du rajeunissement final de l’astronaute de ′′2001′′.

Valérian et Laureline restera pour cela une œuvre phare avec une des plus belles conclusion du neuvième art qui n’ empêchera pas les auteurs à continuer à nous émerveiller avec des suites flash back surprenantes …

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