Cette année encore merci au Off pour la double accréditation qui nous a permis à deux ( Patrick habite sur place et Stéphane est venu 4 jours ) de couvrir en direct via notre page facebook prés de 25 pièces parmi la trentaine vue . Nous assumons de ne partager que nos coups de coeurs.
Les articles sont reprise et enrichis dans ce post global …
Cette édition du Off dans un contexte post Covid a présenté prés de 1570 spectacles avec un taux de fréquentation que renoue avec celui de 2019 : 1200 compagnies étaient présentes dans 138 lieux
Nous avons été séduit par certaines création pour le jeune public parmi les 180 présentées …
De bien belles rencontres dont voici le florilège :
Akhenaton de et par Alexandre de limoges.( Théatre des 3 Soleils)
Alexandre de Limoges a précédemment écrit une très belle pièce consacrée à Gustave Eiffel et à sa Tour du même nom (donnée durant le Festival).
On peut retrouver certaines similitudes entre les personnages d’Akhenaton et d’Eiffel semblant hanter notre auteur.
Ce sont deux êtres absolument seuls, habités par un destin, qui désirent profondément changer les choses, imprimer dans l’espace une sorte de signe éternel .
La différence majeure est que, Akhenaton à la suite d’une révélation, veut imposer le monothéisme, et renverser les « faux dieux égyptiens » par le culte d’Aton le disque solaire.
Le soleil (Râ) devenait ainsi, un sujet d’adoration.
Chacun pouvait ainsi, sous une forme visible et sans intermédiaire, rencontrer le divin.
C’était une sacrée révolution, ‘’la terre tournait enfin autour du soleil ’’ face au regard de l’Homme. Akhenaton abolit le clergé et s’approche ainsi du protestantisme.
On peut voir que les idées ne meurent pas.
C’est pourquoi on prête à Akhénaton la préfiguration du monothéisme et du christianisme originel.
En précurseur, il a dû affronter le clergé d’Amon corrompu ,possédant les terres et gardiens de Mystères magiques connus d’eux seuls.
Il a créé une ville, Akhetaton, d’un extraordinaire raffinement qui devait devenir un nouveau lieu de pouvoir, une sorte de cité du soleil – vite abandonnée (comme le souverain lui-même).
On pourrait voir aussi une similitude, avec un autre précurseur, mal aimé : Louis 2 de Bavière. Aucun d’eux n’était de leur temps. Ils furent considérés comme fous.C’étaient des autocrates qui se pensaient d’ascendance divine qui se sont heurté au ‘’ sabre et au goupillon’’ et en ont payé le prix.
Mais l’avenir leur donne raison.Toute idée créatrice est, était et sera folie dès qu’elle prend forme.
Akhenaton s’interroge ; « Pourquoi Aton l’a-t-il abandonné »?Ne dit-il pas qu’ Aton est le soleil dans le cœur de l’homme ?Akhenaton régna une trentaine d’années.Était-il un souverain non violent (une sorte de Gandhi) ? un artiste ? un mystique ? un autiste ? Ou tout cela à la fois ?
Que de questions dans ce spectacle attaché à son humanité : une réussite
L’Homme inoui », de Oldan (Théâtre « le Verbe Fou »)
Rien de ce qui est humain n’est étranger à Oldan, sa poésie vise juste, ses mots sont riches et simples.Mais ce n’est pas pour la vie de tous les jours. Ça va plus loin.
On se pose, et interroge :
« Lucifuge , Oldan, qu’y a-t-il au-delà du plafond de verre que tu heurtes sans cesse?
Où se trouve cette vérité lumineuse qui te poursuit ?
-Une réponse serait:
-« La musique donne des ailes émeraude à mes poèmes ».
Intimité, voix superbes, générosité, complicité rocailleuse.
Il a vite fait de vous mettre dans sa poche, Attention !
Guitares, basse, percussions sont un enchantement et la joie de jouer ensemble est palpable
Bref ,un très bon moment, dont le pôle féminin, chanteuse et danseuse est Maya K.
Le Misanthrope de Molière. (Théâtre des Corps saints)
Jouer Molière est une tradition.L’actualiser est un défi en ce cas réussi.
Garder les tournures de phrase de l’époque et les alexandrins
font de temps en temps « upgrader » la cervelle.
Cette pièce présente une vision particulière de l’homme (Alceste le juste qui sait très bien où son instinct l’emmène, c’est-à-dire vers son exact opposé) )et de la femme (Célimène la s…).
La véritable héroïne, pourtant c’est, dans cette mise en chêne) Célimène la coquette .
Mais à l’instar de Célimène, une Marilyne me répondrait au XXe siècle :
– Est-ce justice que nous naissions femme ? Avons d’autre choix que d’être vénales, superficielles, désirables, fécondables pour compter dans une société masculine ?
Faut-il comme Arsinoé finir prudes, jalouses ou appartenir à un mari -qu’on ne choisissait d’ailleurs pas ?Une Maryline Monroe du 18e siècle dirait (non une certaine dose de mauvaise foi qui fait son charme) : -« C’est de votre faute si j’en suis là !
Regardez ce que vous avez fait de moi parce que je suis une femme!
La retraite, c’est pas pour aujourd’hui .Oui, je suis un objet de désir ou une marchandise, mais je vais vous le faire payer très cher ».
Pourquoi ne pas profiter de cette situation?
Célimène, bien sûr est attirée par on exact opposé mâle.
Acteurs brillants, magnifiques ,mise en scène moderne, légère séduisante. Alceste le hargneux m’a flanqué les jetons.
Ne pas renoncer à soi-même, exigera toujours un sacrifice.
Le contrat des attachements par laCompagnie ‘’L’eau qui brûle’’( La Factory)
Goethe, dans ses « affinités électives » explique les principes d’une chimie des corps, qui détermine la subtilité des désirs et des sentiments.Dans cette pièce, les humains expriment le côté basique et animal d’une relation entre deux êtres, fut elle intense.Considérez que la réalité de la vie, de notre vie est une jungle Un couple, essaie de se remettre d’une rupture à la suite d’un fait divers douloureux. Parviendront t’ils dans le secret du bandeau qu’ils ont sur les yeux, à un regard détaché sur cette situation et sur eux même. ? Qu’en pense le Meneur de jeu ?Est-ce un démon ? Sont-ils morts ?Est-ce une sorte de conseiller conjugal ou l’embryon d’un chœur antique ?Leurs mains pourront elles se réunir et le secret être dévoilé ?L’amour peut-il atteindre la souffrance universelle et, malgré cela, donner la vie ?La vie se donne t’elle d’elle-même ?Si l’actrice vibre comme une harpe, explose comme un volcan, l’homme-acteur de sa propre vie est-il indifférent , bon à surfer sur une réalité banale qui lui échappe de plus en plus ?Un point important de cette pièce me semble être la puissance de la voix et le service du texte.Les corps sont liés, mais le huis-clos n’en est que plus vif.
Cornebidouille de Pierre Bertrand (Théâtre Alizée)
Une adaptation survitaminée des quatre premiers albums des aventures de Cornebidouille, écrites par Pierre Bertrand et illustrées par Magali Bonniol et parues à l’école des loisirs
Pierre Bertrand, l’auteur était là ce 13 juillet et faisait une dédicace à ‘’l’Eau Vive ‘’ l’après-midi.
Dans le regard de certains parents, j’ai vu l’admiration pour ce spectacle qui nous a aussi enchantéQuand il était petit, Pierre ne voulait pas manger sa soupe. « Tu sais ce qui arrive aux petits garçons qui ne veulent pas manger leur soupe ? », lui disait son père, « à minuit, la sorcière Cornebidouille vient les voir dans leur chambre… »
Les peurs du petit Pierre se cristallisent autour d’une sorcière au verbe haut et à la rime facile, Cornebidouille. Le petit garçon la défie avec fantaisie et malice au fil de ses aventures…
Pierre Bertrand, alias Petit Pierre, apporte à chacun un vrai bonheur d’être ensemble et la pièce virevoltante, virtuose du langage, de la musique et de la danse le prouve. C’est un vrai bonheur
La Fuite de Ciro Cesarano et Fabio Gorgotini d’après Luigi Pirandello.(Alizé Théâtre )
Une pièce qui traite de nos maux actuels :partant d’une banale histoire d’adultère, nous finissons par nous demander si un mensonge n’est pas plus commode pour affronter l’incroyable médiocrité de l’existence.En tout cas, mentir est un ciment de l’organisation sociale, car sans lui il faudrait tout remettre en question Et à qui pourrait- on faire confiance après ? Ils sont drôles, ces gens qui ne croient que ce qu’ils voient ou ce qu’ils comptent.Mais, dès fois, il arrive que le Mensonge, persécution vivante éclate dans nos vies juste au moment où nous ne pouvions plus distinguer ce qui est réel.Psychanalyse…quand tu nous tiens !Cocteau, dans sa ‘’Machine infernale’’ ne fait-il pas dire au Sphynx : -« Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité » ?Ciro Cesarano et Fabio Gorgolini ont placé la pièce dans la cuisine d’un restaurant italien, lieu révélateur s’il en est, au bord de la faillite.Nicola obtient une commande inespérée …Mais rien ne se passe comme prévu.Et j’ai tant ri des efforts de ce pauvre bougre que le sujet social ne m’est apparu que de manière fantomatique, donc inquiétant.Une très belle pièce, proche de nous et splendidement interprétée.
Noces de Joie ( Théatre Alya)
On pense d’abord au Sacre du printemps, puis ces Noces peuvent devenir celles de sang…On sait qu’on va assister à quelque chose de Cosmique à une célébration …Ce qu’on ne sait pas, c’est qu’on célèbre la longue Marche de la déesse Liberté au cœur de l’Humanité peut être au cœur du monde, mais à l’image christique, ne lui appartient jamais ..Ce que ce que nous allons voir regroupe tous les arts.Danse, maniement du bâton bien sûr, mais aussi poésie flamboyante, langage fait à la mesure du propos et qu’il n’est pas nécessaire d’apprendre pour le connaître. Deux meneurs : Florence d’Alayrac , Mezzo soprano Et Géraldine Lonfat, chorégraphe et actrice, magnifique danseuse dont le corps, semble s’étendre de manière incroyable…Où est-elle, où sont-ils tous à ce moment-là ? Ils sont profondément infusés musicalement mais aussi dans le langage corporel corps qui est un alphabet.Une extraordinaire énergie.On y sent la nostalgie d’une âme perdue perdu et disons-le, de toutes les pertes.Les combats de Dame Liberté ont tous été des échecs et le seront jusqu’à son triomphe final, quand deux feront Un (l’homme et la femme) et Un , deux.
Un des points importants de ce spectacle est qu’il s’agit réellement d’une création collective :l’égo de chacun est franchi, offrant une vaste suite de potentialités, de possibles battant autour d’un cœur.
L’œuvre évoluera donc par le don de chacun y compris celui qui a créé la musique originale sous le pseudo de terre brûlé et l’a modulée au fur et à mesure que le groupe créait.
En allant voir ce spectacle dynamique …Attention ! Vous risquez de changer.
Les mémoires d’Hadrien. d‘après Marguerite Yourcenar (Théâtre des corps saints)
Pièce historique sur la vie de celui qui fut l’un des plus grecs et philosophes des empereurs romains .
Accablé par la maladie et au bord du suicide, Hadrien s’interroge sur son règne et l’esprit qui l’a animé .Il rédige ses mémoires. Hadrien se retrouve au milieu de l’immense champ de tension du pouvoir qui l’a construit et l’anéantît…il s’apprête à le lâcher.
Même des années plus tard les historiens ont pu retracer son parcours .
On peut dire « il a fait ceci ou cela et il était,par exemple,homosexuel et mystique « .
Mais notre vie se résume t’elle à nos mouvements apparents?
Il est difficile de percevoir les forces psychiques et la pensée intime qui nous anime.
On a envie de projeter en Hadrien notre quête individuelle de liberté chevauchant un destin universel …
Cette pièce est une enquête sur le pouvoir mais aussi sur l’homme souffrant et jouissant.
Où se trouve donc le philosophe et le « démon « ,la Pensée de l’empereur qui lui est unique et que le peuple vénérait (tout en payant ses impôts).
Comment la toile de sa destinée s’est-elle tressée sous l’influence de 3 femmes ?
Voici quelques aspects servis avec fidélité par 4 comédiens passionnés.
Bravo à la compagnie Bacchus.
Tabula Rasa ( Théâtre L’ Adresse)
Comment sont nés les 7 péchés capitaux ? Que font ils dans ce camp sous la cravache d’une implacable directrice? Serait-il possible de changer? Pourquoi? Et comment ? Au profit de quoi? Comment libérer les corps de l’esclavage? Cette pièce philosophique et chorégraphique envisage une remontée et une liberté.On y retrouve l’air magnifique de la « Reine de la Nuit » revue et corrigée par une chanteuse hors normes ! Venez dialoguer avec la gloutonnerie,danser la paillarde et découvrir ce qui se passe quand l’argent n’est rien….La colère est particulièrement convaincante et trouve d’étranges solutions (drôles) Bref,c’est une création collective à suivre. On y passe un bon moment et le public ne s’y trompe pas. Cette pièce est une perle rare dissoute par Émilie Rasseneur.
Le Tartuffe ( théâtre L’ Adresse)
Molière reste intemporel.Dans son « Tartuffe » trois personnages féminins vont interpréter la plupart des rôles de la pièce,ce qui nécessite beaucoup de talent.
Orgon-despote sera la dupe de la fable.
Dorine ,la servante incarnera la résistance à un Tartuffe franchement démoniaque….
Tartuffe ne devra se contenter que des biens d’Orgon et de sa famille .-« le pauvre homme! » ,pourrait on dire.
.Quand à être tartuffié; On parlerait aujourd’hui de sidération…
Ce mot indique seulement être englué dans les conventions soclales sans pouvoir réagir,abdiquer par peur et par devoir.C’est aussi une culture de la victimisation.
Il manque , ombre au tableau ,un quatrième personnage qui ne danse et ne mange pas de pain…Qui semble ignorer la joie malgré son sourire : un squelette.
Cet acteur sur scène justifie à lui seul la grande mystification de notre époque et que mène la danse macabre de la religion dévoyée et de la médecine,deux adversaires puissants que Molière eut à cœur d’affronter, quitte à en payer le prix.
Mimes,musique,masques ,danse virevoltante , comédia ,extrême simplicité des décors,jeu dépouillé des 3 actrices servent voluptueusement le propos de la pièce et créent l’illusion comique.
Le Pari d’en rire »par » Les 4 Barbues ( Théâtre Alizé)
La pièce en chansons commence directement par une question rarement posée. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Et de constater que la haine est institutionnalisée de notre époque …,
Nos barbues virtuoses et sans concession invoquent Pierre Dac et Francis Blanche etc…pour décrier les maux d’aujourd’hui et créent « le pari d’en rire. ».
Adhérez au parti addictif de ces virtuoses aux voix étincelantes et qui rappellent avec vigueur « Qu’en France,tout finit par des chansons « .Mais avec « Elles » on pourra ajouter que « tout commence « .A voir comme un antidote joyeux qui regarde pourtant les choses en face.
Nasreddine (Figuier Pourpre » – Maison de poésie)
C’est un merveilleux spectacle, drôle, plein de vie… Nous avons affaire à du Théâtre d’objets et de masques…
L’art du masque donne au récit un côté universel, un côté « Arts premier »
Ceci permet un contact direct avec notre imaginaire.
Nasreddine est connu dans tout la méditerranée sous de nombreux noms.
Ils font rire à gorge déployée par l’absurdité bon enfant de la société humaine.
Et si on y regarde d’un peu après, les 2 conteurs de ce spectacle Adeline Dautreppe et Xavier Depoix nous délivrent une grande sagesse, ou une folie pure, une sagesse immémoriale ou un doigt dans l’œil interminable. Vas savoir…
Nasreddine le rusé est plutôt relié à la tradition soufie, mais il n’est la possession de personne (sauf de son âne et de sa femme).
La Tour des Miracles de Georges Brassens ( Théatre le Petit Louvre)
Aprés son adaptation en BD chez Delcourt une misé en scéne burlesque et inventive d’un texte ardu surréaliste et toujours drôle avec un zeste de méchanceté envers la race humaine
Au dernier étage de l’Abbaye Gré-Du-Vent, à Montmartre, autrement baptisée « Tour des Miracles », vit une étrange communauté, rassemblant des personnes de tous âges et de toutes origines. De Courtes-Pattes, le cul de jatte, à Voirie Voirie, découvert dans une poubelle, en passant par Harpe Eolienne, le guetteur médiéval, Corne d’Auroch, Pile-Face, Annie Pan-Pan-Pan, Passe-lacet, sans oublier les grands-mères et les centaines de chats, on y fait de curieuses rencontres ! Tout ce petit monde aux comportements et aux mœurs saugrenus vit dans la promiscuité…
Porté pour la première fois à la scène, interprété par deux comédiens jouant des dizaines de personnages, ce récit à la truculence rabelaisienne, truffé de dialogues et de situations surréalistes et comiques est extraordinairement théâtral !
Toutes les répliques sont courtes, heurtées, le rythme du spectacle est effréné, le décor ressemble à un grenier mal rangé et des dizaines d’accessoires se rencontrent dans tous ses recoins. Les accessoires sont utilisés de façon métaphoriques et poétiques, le public est sollicité voir interpellé par les comédiens conscients de la difficulté à transmettre un tel texte …
au point de faire semblant de rejouer la pièce ..
pari réussi et bel hommage à Brassens
Synthèse de Lisa Bretzner Théatre Alya)
Un pièce intrigante sur la question du Transhumanisme traitée de façon intimiste et poignante
Une mère se procure pour sa fille une technologie révolutionnaire : un clone synthétique, capable d’accueillir sa conscience, lui permettant de vivre pour toujours. Ce clone, c’est A.I.L.E. La mère le cache pendant des années dans un placard, jusqu’à ce que sa fille revienne à la maison après des années d’absence, et découvre la vérité. Aura-t-elle le choix d’accepter ou de refuser la « Synthèse » ?
Le propos a un troublant écho avec la crise :comme le PDG de Google le rêve nous sommes sur le point de réaliser notre rêve ultime de liberté…transférer et immortaliser notre conscience dans une machine semblable à nous et susceptibles d’évoluer…
Faut il rester au bord du chemin?Faut-il créer des êtres hybrides,des chimères ?
Cette pièce ,très humaine,traite de la perte,de la souffrance d’une mère pour sa fille,et d’un fol espoir,vivre et s’accomplir …
Mais d’un autre côté,que peut rechercher ce double si proche de nous-mêmes ,ce qui le rend un peu inquiétant ?
Liza Bretner est une jeune autrice qui écrit depuis longtemps : très intuitive elle semble avoir une ligne directe sur l’hier ,et ,très certainement le demain.
Il convient de suivre un tel talent qui sait marier science et poésie ….
Univergate ( Espace Roseau Teinturiers)
Un texte de Louise Caron mis en scène par Renaud Benoit qui s’est inspiré entre autre du tableau de Mondrian « La grille »et du début de la Divine Comédie de Dante …
Comme la pub prise en photo la pièce est un miroir tendu au spectateur : un questionnement sur sa place dans le système et un questionnement sur notre finitude
On assiste à l’errance d’un type sans scrupules, dont la vie bascule dans une chute vertigineuse. Etienne Ferrari se livre à Jack devenu “accidentellement” son confesseur d’un soir. Personne ne l’a jamais écouté de cette manière. Il parle sans s’arrêter, donne son passé avec tendresse, humour et rage.
L’interprète Serge Dupuy tient la salle dans un quasi seul en scène agrémenté de projections évoquant la société et les médias qui souvent nous conditionnent …
UNIVERGATE est une métaphore de notre monde captilistique en crise : une zone à la croisé de deux mondes : mythologique (Zeus, Icare, Sisyphe l’Hadès) et le monde moderne (Google, Amazon, Facebook) où les dérives de notre Société, qui marche littéralement sur la tête, sont exacerbées.
Super héros de Jorge Padin ( Espace Alya)
Une pièce intimiste sur un sujet à la mode …
Un jeune rêveur, vivant avec sa grand-mère, reçoit la visite d’un électricien qui leur coupe la distribution d’énergie pour non-paiement.
L’injustice de la situation et la lutte dans laquelle il se lance pour récupérer la lumière, le plonge dans une merveilleuse aventure. Les choix qu’il va devoir faire vont lui donner l’occasion de découvrir une face cachée de lui-même.
Le texte de la pièce postule que :
Nous avons tous des pouvoirs cachés.
Nous gardons tous une part de mystère.
Nous sommes tous quelque part des super-héros.
Belle idée finement traité , une variante sur une psychologie assez Jungienne : nous sommes tous les personnages des contes : on change juste de masque : et c’est là clairement un choix de mise en scène : l’interprète seul en scène Fernando Moreno en change souvent …
Sa performance toute en finesse convainc : il redore le blason de la fragilité du anti héros qui devient un héros Ici le mal se banalise et trouve un troublant écho à notre actu
Cette nouvelle création a déja obtenu :
Prix du meilleur acteur à Naj Naj Naj (Zagreb) et Noctivagos (Tolède)
Prix de la meilleur création de personnages FETEN (Gijon)
Du Silence à l’ explosion ( Présence Pasteur)
Belle mise en scène de Céline Brunelle sobre et efficace : elle nous parle de son travail d’aidant auprès de jeunes isolés ..
Emportés par un tourbillon de situations kafkaïennes afin de réussir à être en règle sur le territoire français, une multitude de personnages nous font vivre des parcours interminables où l’humour surgit parfois au milieu de ces méandres ubuesques.
Belle dynamique entre les acteurs ( dont deux sont très concernés par la question du droit d’ asile) ; du bon rap et des scènes de vie parfois cocasses mais souvent dramatiques …
La mise en scène sobre est magnifiée par des projections vidéos qui donnent un belle ampleur aux problèmes rencontrés par les migrants ..
Une ode sensible à la solidarité qui seule peut faire mentir le fatalisme du titre qui est un manifeste contre des politiques publiques faussement humanitaires ….
Alice Guy : mademoiselle cinéma ( Théâtre Barreta )
une mise en scène inspirée de Lennie Coindeaux, Caroline Rainette avec trois fabuleux interprètes : Caroline Rainette, Lennie Coindeaux, et Jérémie Hamon.
En 1896, Alice Guy est la première à avoir l’idée de réaliser un film de fiction, alors que tous ne voient encore qu’une prouesse technique dans les projections cinématographiques des frères Lumière. Sans le savoir, elle vient d’inventer le cinéma !
De Paris à New York, en passant par Hollywood, elle réalise plus de 1000 films.
Aux côtés des pionniers de cette formidable histoire du cinéma, tels Georges Méliès, Louis Lumière, Léon Gaumont, ou encore Gustave Eiffel, la vie d’Alice Guy, vertigineuse et passionnante, se dévoile…
Un beau parcours de femme féministe d’avant garde : elle a réalisé des curiosités dont une vie du Christ en 35 min ( et beaucoup aux USA sous le nom de son mari …)
Bon trio d’acteurs qui savent faire passer la passion retenue , les désillusions et l’ aspiration au dépassement de soi de cette femme inspirée par l’amour de l’ Art
A voir et lire le Biopic de Catel chez Casterman
Tartuff ries …( Espace Roseau Teinturier)
Curieuse idée qu’ a eu John Bodin de faire un suite à la pièce de Molière …
Tartuffe devient alors l’archétype du mensonge qui gangrène notre démocratie ….
Et si la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui découlait des pensées diaboliques d’un homme ?
Le chef d’œuvre de Molière s’achève par l’arrestation de Tartuffe dans la maison d’Orgon. Il est jeté à la Bastille dans une geôle sombre et glaciale. Vingt ans plus tard, Tartuffe cherche à sortir de prison. Pour convaincre Louis XIV de le libérer, il va imaginer notre monde moderne et sa fabrique à inégalités.
Création originale, Tartuff’ries est une comédie satirique en alexandrins dans laquelle les auteurs font le parallèle entre notre société actuelle et celle du 17ème siècle.
Entre bouffonnerie jubilatoire et texte humaniste, Tartuff’ries dénonce le système hypocrite de l’époque de Molière et par la même le nôtre
L’acteur François Manuelian, qui co signe la mise en scéne nous donne à voir un Tartuffe ogre de savoirs et de volonté de puissance …il convoque et retourne ses interlocuteurs …
et le spectateur qui en ressort enchanté …
Le facteur Cheval où le rêve d’un fou ( Théâtre des Halles )
Le Belge Alain Leempoel adapte avec brio le roman de Nadine Monfils qui narre la geste artistique du facteur cheval..
C’est l’histoire d’un homme qui ne savait pas dire je t’aime, et qui l’a dit avec des pierres , construisant ainsi un temple de l’ art dit naif selon André Malraux
Plus de trente ans pour construire un palais extraordinaire, seul, avec ses outils, sa brouette et une volonté inébranlable.. Ferdinand Cheval aura la force de construire ce monument inouï à Hauterives dans la Drôme provençale, né d’un songe et des multiples blessures de la vie.
Nous sommes face un récit initiatique mêlant fiction et réalité : un questionnement profond sur la transmission et la paternité ..
Le choix de jouer en plein air est osé car cela nous frustre de la possibilité de voir des images projetées .
La mis en scène contourne le problème avec un jeu de construction …
Une belle méditation sur les rapports de l’homme à la nature source de transcendance …
L’Oiseau de feu. ( Alya Chapeau d Ebène)
Adaptation originale et féministe d’un conte ancestral
Pourquoi existe-t ‘il des spectacles pour enfants ou pour adultes ?
Pourquoi les loups sont-ils gris et les princesses des « potiches » ?
L’Oiseau de feu est tiré d’un conte russe, issu de la tradition orale .
Il y avait, à la séance où nous sommes allés, un petit peu plus d’adultes que d’enfants.
Mais tous partagent le même enthousiasme et les enfants se régalent..
Bien entendu, dans cette quête d’un oiseau magique, la belle Hélène sera consciente d’elle-même et de sa valeur,c’est une jeune fille moderne.
Le jeune Yvan est parti chercher l’oiseau de feu qui a volé des pommes d’or du jardin de son père, le tsar.
Son frère quand à lui , erre sur d’autres obscurs chemins.
Sur sa route, Yvan va rencontrer va un loup gris qui lui apprendra (après avoir mangé son magnifique cheval) ce que sont les apparences, la confiance, la droiture et à la fin, il trouvera l’amour.
De fil en aiguille, Yvan ramènera la belle princesse Hélène,car les princesses sont toujours belles, mais le méchant frère voudra le tuer.
La magie de l’enfance et des couleurs(qui dans la pièce forment un langage vivant) feront le reste . Il renaîtra …
Yvan découvrira dans cette aventure qu’hommes et loups font partie d’un tout et que la confiance en est le ciment.
Voilà la belle histoire où la plume de l’oiseau sert de métaphore d’un appel à la transformation …
François Rabelais de Jean Pierre Andreani (l’Essaion)
Hommage réussi à un libre penseur dont l’œuvre codée mérite d’être redécouverte
L’an 1546 à Paris : Dolet, l’éditeur de Gargantua et Pantagruel, vient de périr sur le bûcher. Rabelais, menacé, poursuivi par la Sorbonne, doit s’enfuir, s’il veut continuer par ses écrits, à pourfendre l’hypocrisie et la bêtise, sous le couvert de son humour … Il trouve refuge chez son protecteur l’évêque Du Bellay. Portrait du grand médecin, précurseur de l’hygiène et des bienfaits du rire. Un auteur prêt à risquer sa vie pour défendre la liberté de pensée et d’expression.
La mise en scène met d’emblée Rabelais en difficulté : il doute de son action dans un monde de plus en plus injuste
Bel écho à notre situation actuelle : le comédien est habité par le rôle et le porte au plus haut : on retrouve comme lui à la fin le désir de relire l’oeuvre qui semble habitée d’un élan vital moteur (et aussi alchimique mais pas évoqué ici …
Belle illustration de l’adage qui dit que l’ Art vaut mieux que la vie ….
Cabaret Louise (Théâtre Alizé)
L’histoire est écrite par les vainqueurs.Ici, c’est toute une époque qui ressuscite.
Peut-on être fidèle à ce qu’on croit? L’ère de la Commune (écrasée dans le sang) est elle révolue?
La notre n’est est, que sa suite ? Et quels en sont les enjeux ?
Le jeu des comédiens est très convaincant .
Leurs démêlés sociaux ou conjugaux déclenche de frais éclats de rire sans se départir d’une réelle interrogation sur l’ état de la Révolution toujours inachevée , toujours à refaire …